Je vous aime, mais je pars
Lundi 3 juin, 21h38 plus ou moins 3 minutes
Je suis au milieu de mon salon, par terre avec deux de mes meilleures amies. La mission du soir c’est de leur donner un maximum de choses que je ne vais pas prendre avec moi à Phuket et je leur présente tour à tour, les carnets, les fringues, les accessoires et bien sûr, les livres.
L’un d’eux est un des pionniers du journaling « écris moi ton histoire » etje ne l’ai tellement pas ouvert depuis au moins 2 déménagements que j’oublie sur le moment que j’ai commencé à remplir quelques pages avec mes pensées.
Il y a plusieurs questions du style « quelle est ta plus grande qualité, que veux tu accomplir dans la vie, qui sont tes héros ».
J’ai écrit dans ce carnet il y a au moins 10 ans, je me souviens l’avoir reçu comme présent en 2013 ou 2014 (NB, prenez l’habitude de noter les dates de vos écrits ou de ce qu’on vous offre, on pense qu’on va se souvenir de tout until … )
Bref, on se marre vraiment parce que mes réponses sont crues et tellement honnêtes (elles n’étaient après tout pas sensées être lues par d’autres personnes que moi haha) mais ça nous fait vraiment la soirée !
Bref bis.
Dans une des questions en rapport avec l’avenir et ce que j’aimerais y faire je réponds « réaliser mes rêves ». Et c’est tout. « Réaliser mes rêves ».
A l’époque, mes rêves me submergent.
Avant tout et surtout, je rêve de liberté. Mais c’est quoi vraiment « être libre »?
A l’époque ou j’écris ces mots pour la première fois, j’ai 22 ou 23 ans, fraichement diplômée de Sciences Po et le monde devant moi, je suis au début de « tout » et pourtant je suis
perdue
mal dans ma peau
submergée par mes rêves, mon futur et la dernière marche de l’escalier
Parce que c’est ça le problème avec les rêves.
Ils restent des rêves parce qu’on voit trop loin, qu’on rêve trop grand et qu’on se laisse dépasser par l’absence d’escalier entre ce qu’on visualise et ce qu’on peut faire au quotidien pour y arriver.
Et puis vivre ses rêves, est ce que c’est vraiment 100% de bonheur ?
Ne voit on pas quotidiennement les gens qui « réussissent » ce que le commun des mortels a du mal à accomplir accompagnés de cette part d’ombre en eux des choses triviales qui leur manquent ?
Un partenaire de vie ?
Une relation tombée à l’eau ?
Des amitiés déchues ?
Des événements importants manqués et j’en passe ?
Les rêves ont un coût mais après tout, la vie aussi et d’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours su qu’un jour je vivrais « ailleurs ». Vous qui me lisez ici et qui ne me connaissez qu’à travers ce que je partage n’êtes pas étonnés, imaginez mes proches…
Alors quand on lit ensemble ce fameux carnet ce lundi 3 juin, même si je ris fort à tout ce que j’ai pu écrire, quelques larmes perlent au bord de mes yeux parce que je sais la souffrance et la perdition dans laquelle la jeune moi était à l’époque.
Qui aurait prédit qu’une jeune diplômée sans aucune attache
amoureuse
financière
immobilière
avec des parents encore jeunes
aurait autant de mal à prendre une valise et à partir à la conquête du monde alors même qu’au moment où on relit ces lignes, je suis à 48h de mon vol en aller simple, avec
- deux enfants en bas âge,
- une carrière entrepreneuriale émergente
et que je laisse :
- mon mari,
- mes parents qui ont 10 ans de plus,
- ma maison
- mes amis qui ont eu, entre temps, des enfants que je ne verrai pas grandir au quotidien.
Mais c’est peut être aussi ça qui est magique avec les rêves, c’est que arrive quand on ne s’y attend pas tellement et parfois quand rien ne rentre dans les « critères objectifs de réussite » parce que ce qui compte au fond c’est d’arriver non ? Et pas de contrôler tous les tenants et les aboutissants de ce qu’on décide de faire ?
La dernière phrase est une question exprès, je n’ai pas la réponse au moment où je vous écris. Mais j’ai une certitude : si pour x ou y raisons, l’aventure devait s’arrêter dans une semaine, dans 6 mois ou dans 10 ans, j’ai le coeur apaisé de l’avoir imaginé et effectivement fait.
Vous l’avez donc deviné, je vous écris du bout du monde, de ma petite safe space à moi, où je peux, comme à chaque fois poser des mots sur les maux avant de commencer, pour de vrai, ma vie.
Je ne peux encore ni dresser de bilan, ni faire de compte, ni même vous dire exactement ce que je ressens. Tout est trop nouveau et trop frais.
Ce que je peux faire en revanche c’est revenir sur les quelques semaines qui ont précédé ce grand départ et tenter d’y trouver quelques sagesses.
Elles ont été aussi douces qu’elles n’ont été baignées de stress, d’angoisses, de pleurs… Bref, des rappels et des épreuves pour se souvenir qu’on a pas le choix que d’avancer dans la vie.
Être forte pour les gens autour de moi
Ok, là ça va se corser. Et alors que je vous écris ces lignes depuis mon siège, à 2h de Dubaï, c’est la première fois que je vais poser des mots sur tous les ressentis que j’ai alors bloqué jusque là et ça risque de secouer.
Mes enfants de part et d’autre de mon siège sont trop omnibulés l’une par son énième visionnage de Mulan, l’autre par Moi moche et méchant pour voir mes larmes couler ou m’entendre renifler donc allons y.
Prendre la décision de partir est la décision la plus facile et la plus difficile que j’ai eu à prendre ces dernières années. Genre d’une évidence folle mais d’un déchirement incroyable.
Laissez moi revenir un peu en arrière.
On est le 24 aout 2011, dernière semaine du ramadan à l’époque, je suis à CDG terminal 1 et je m’apprête à prendre un vol Qatar Airways qui va m’emmener à Doha puis à Hong Kong pour mon année d’échange.
J’ai 20 ans et c’est la première fois que je pars seule aussi loin aussi longtemps.
Je ne connais pas Hong Kong et n’ai aucune idée de ce qui m’attend.
Je sors d’une année difficile avec mes parents, dans les semaines qui précèdent mon départ je romps avec beaucoup d’amitiés (bref tout le tointoin du renouvellement tu connais déjà)
Ce jour là il y a mes parents et mes amis avec moi et alors que j’ai fait la très fière pendant des mois et que je suis plutôt dans une posture d’adulte rebelle qui n’a besoin de personne, je finis par m’écrouler dans les bras de mon père avant de prendre ce foutu escalator qui m’emmène vers l’embarquement. Je m’écroule vraiment, je pleure comme je n’ai jamais pleuré et je ne veux plus partir.
Il me rend mon étreinte et fini par me repousser avec douceur mais fermement. « Tu l’as voulu, tu y vas », son regard devient dur et il se détourne de moi qui suis 6 pieds sous terre.
Si même mon père me chasse, il va peut être falloir que j’y aille vraiment.
Et pour cause, j’ai bien fait de partir parce que c’est là bas que je renais.
Fast forward 13 ans après, mon père est dans mon salon, les yeux rougis, un café à la main et l’autre qui tremble. Au détour d’une conversation il me dit « j’ai repris la marche il y a quelques jours, je marche parfois 20km dans la journée et je réfléchis. Depuis quelques jours je marche et je pleure parce qu’une partie de ma vie à moi elle s’arrête le 5 juin quand tu vas partir. Je sais que tu dois partir mais c’est très difficile pour moi. »
Le ton n’était pas culpabilisant du tout et ce n’était pas un reproche. C’était juste une réalité, un sentiment qui devait sortir et s’exprimer et j’ai compris à l’instant où il les a prononcé deux choses :
Pourquoi il avait réagit aussi froidement il y a 13 ans dans cet aéroport, parce que je m’apprêtais à faire la même chose. Etre forte, pour nous deux.
Que c’était le bon moment pour moi de partir parce que même si je voyais et ressentais la douleur que ça pouvait provoquer chez les miens, je savais aussi que je le voulais plus que ce qui pouvait peser en face.
Il m’a fallu toute la force du monde pour ne pas craquer devant lui ce jour là.
Toute.
Ma.
Force.
Accueillir sa tristesse, le rassurer mais rester forte malgré tout et droite dans mon choix.
Certains ne verront que les réels instagramables de cette aventure, d’autres savent que derrière chaque choix drastique il y a toujours beaucoup de peine et de douleur comme celles qui font pousser tes os pendant l’adolescence ou te permettent de donner la vie. Les deux font grandir, différemment…
Je prends tout et essaie de vous le restituer avec le plus d’exactitude possible pour que vous sachiez que c’est difficile mais que ça en vaut tellement la peine et que si je lai fait, vous pouvez faire tout ce que vous voulez.
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Ma mère, elle, m’a ramené à son propre départ, il y a 33 ans.
« J’ai compris aujourd’hui ce qu’avaient pu ressentir, à l’époque, mes propres parents et je m’excuse aujourd’hui auprès d’eux de la douleur que j’ai pu leur causer malgré moi » m’a t elle dit au détour d’un café.
Oui, mes parents devraient vraiment se lancer dans la punchline académie.
J’encaisse.
Et je suis heureuse d’encaisser, ça veut dire que le dialogue est ouvert et Dieu sait qu’en ces temps sombre on a besoin de parler. Beaucoup. De tout.
Mais on s’égare.
Ces dernières semaines, j’ai beaucoup parlé, à tout le monde mais surtout à mes parents.
Je leur ai beaucoup parlé de leur propre départ et j’ai beaucoup de choses à vous partager à ce sujet mais cet écrit est déjà TRÈS long je vous réserve ça pour une prochaine fois.
Je voulais néanmoins vous laisser avec ceci :
La probabilité qu’on vienne au monde est de 1 sur 400 milliards (quand vous pensez que la probabilité de gagner au lot est de 1 sur 140 millions, on est déjà plus chanceux que ça !).
Dans cette probabilité, plus de 4000 personnes se sont rencontrées à un moment t de leur vie pour qu’on puisse fouler, à notre tour, cette terre.
Nous, qui sommes là aujourd’hui, somme le résultat d’un patrimoine génétique transmis et pas acquis. On nait à partir des cellules de nos parents, on vient de quelque part.
Reste avec moi tu vas savoir très vite où je veux en venir !
Il y a une théorie en psycho sociologie qui m’intéresse particulièrement et sur laquelle je travaille avec mes coachés : l’inconscient collectif.
L’inconscient collectif c’est l’idée qu’une partie de notre inconscient d’être humain est partagé par l’humanité toute entière. On aurait donc des similitudes de comportements / réactions / émotions peu importe notre appartenance religieuse, notre nationalité ou notre âge.
Je vais plus loin, je pense que dans cet inconscient collectif global, il existe des petits inconscients collectifs qui sont eux bien déterminés et différents selon notre culture et notre appartenance religieuse. Des règles transmises sans même qu’on s’en rende compte.
La première fois que ça m’a frappé c’est en regardant des posts passer sur Instagram sur la fameuse boite de chocolats ou de gâteaux dans laquelle tu ne vas pas trouver de gâteau mais … un nécessaire à couture.
Comme si c’était pas suffisant de se rendre compte au collège que c’était pas que ta mère qui faisait ça mais celle de tous tes potes qui te ressemblent,
On a tous découvert après 25 ans que Youssouf qui vit en Californie et dont les parents sont originaires d’Eypte (donc rien à voir avec Jihed qui vit dans le 93 et dont les parents sont sud Tunisiens) a la même expérience de vie.
Est ce que ce serait pas une des preuves qu’un inconscient collectif moins grand que celui de l’humanité toute entière existe et nous lie selon des critères relatif à nos origines, notre culture, notre foi ?
Mais pourquoi c’est important de remonter aussi loin ?
Parce que ça expliquerait aussi et dans ce cas, une partie des malaises ressentis, des traumas non expliqués par sa propre expérience, des blocages personnels et féminins notamment et …. des urgences à vivre des choses ou faire des choses qui dépassent notre seule personne.
Est-ce-que ce ne serait pas, aussi, ça qui explique la vague des départs chez les 2e et 3e génération qu’on est en train d’observer en ce moment même ?
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D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours voulu partir. Toujours. J’ai arrêté de vouloir l’expliquer ou le théoriser. J’ai même arrêté d’expliquer pourquoi la destination choisie. C’est comme ça, il y a des choses que je n’explique pas et je ne pense pas qu’on doive tout expliquer dans la vie.
Mais j’ai voulu comprendre, alors j’ai posé des questions à mes parents et à vous.
Je vous ai demandé il y a quelques semaines ce que vous prendriez avec vous de façon non négociable si vous étiez amenés à déménager à l’étranger. Vos réponses étaient très intéressantes :
des livres de foi
des photos et des albums souvenirs
des appareils électroniques pour continuer de travailler
des objets sentimentaux
des personnes (oui des personnes m’ont bien spécifié qu’elles prendraient leurs enfants par exemple)
J’ai posé la question à ma mère, elle qui était arrivée en France alors que ce n’était pas son projet de base, à 30 ans, enceinte de moi, notamment.
“J’ai pris ton frère, toi et mes foulards. Je suis partie pour être libre de croire et de vivre ma foi comme je le voulais. Maintenant que j’y pense, il y avait dans ma valise plus de foulards que de vêtements”.
En vous écrivant ces mots je réalise quelque chose d’autre que mon propos initial.
Je suis “née” entre deux pays.
J’ai commencé mon existence quelque part et je suis arrivée “côté terre” ailleurs. Ballotée entre deux pays, entre deux identités. C’est peut être aussi, pour ça, que je suis toujours entre deux.
Mais ce n’est pas tout à fait le sujet.
Il y a quelques mois, je me suis fait tatoué le mot “liberté” en arabe sur le bras droit. Mais je ne l’ai pas écrit seul.
Je l’ai écrit deux fois,
En miroir de lui même.
Et ce tatouage, je l’ai fait ici même à Phuket où je suis maintenant installée.
Un pour moi, un pour eux.
On ne nait pas tout seul, on ne vient pas de nul part. Et pendant qu’on lutte tout seul dans son coin à taper sur des sacs de boxe invisibles pour savoir où aller, comment se sentir bien, comment se débarrasser des doutes, comment avoir des certitudes sur tout, on s’éloigne de ce qui fait de nous …. Nous.
L’une des clés, pas la seule mais l’une des clés pour avancer sereinement ne serait elle pas de regarder ce “tout” en face, de le comprendre, de comprendre sa place dans ce tout pour savoir où on doit aller ?
On pense (à tort selon moi) que s’ancrer dans son histoire va nous retenir, nous peser, nous blesser, nous culpabiliser et si c’était au contraire, à l’image des coloriages magiques de notre enfance, la carte qu’il nous fallait pour relier les points, faire un vrai dessin, remplir les trous, l’encadrer pour toujours se souvenir, et avancer vers le reste de sa vie ? Où que cela soit ?
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Je te laisse avec cette question ouverte.
Merci pour ta lecture bienveillante, comme d’habitude, j’adore échanger avec vous sur vos passages préférés, n’hésite pas à me partager le tien.
Je suis contente que le tumulte des derniers mois / semaines soit enfin derrière moi et que je puisse de nouveau me concentrer sur mon activité.
Parce si des sujets de cette newsletter t’ont parlé sache que je les traite en coaching ! Et si tu te sens bloqué, on peut, ensemble, définir un vrai plan pour avancer 🚀
Tu es prêt.e à entamer un changement profond ?
Tu veux te reconnaitre quand tu te regarde dans la glace ?
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